L’expertise annuelle des comptes de l’entreprise

Publié le : 21 octobre 20206 mins de lecture

Si votre entreprise clôture au 31 décembre, les comptes ont ou ne devraient pas tarder à vous être remis en CE. En tout état de cause, cela devra être fait avant l’assemblée générale de la société ou de l’association se tenant dans les 6 mois de la clôture.

Dans les sociétés commerciales, l’employeur communique au CE, avant leur présentation à l’assemblée générale des actionnaires ou à l’assemblée des associés, l’ensemble des documents transmis annuellement à ces assemblées ainsi que le rapport des commissaires aux comptes. (L 2323-8) Les entreprises ne revêtant pas la forme de société commerciale communiquent au CE les documents comptables qu’elles établissent. (L 2323-9) Afin de permettre aux membres du CE de bien comprendre ces informations, il leur est permis de faire appel à un expertcomptable dont la rémunération est prise en charge par l’entreprise. (L 2325-40).

La désignation de l’expert

Le secrétaire du CE fera en sorte d’inscrire à l’ordre du jour de la réunion au cours de laquelle sont présentés les comptes : « désignation d’un expert-comptable en vue de l’examen annuel des comptes ».

Si la désignation n’a pas été faite lors de la présentation des comptes, le CE peut encore le faire à condition qu’elle intervienne dans un délai raisonnable. Cass. soc. 15 décembre 2009 n° 08-17722 (P).

Dans cette affaire, la Cour de cassation a jugé qu’un délai de 2 mois était raisonnable. Lors de l’examen de cette question en réunion plénière, le CE est susceptible de voter 3 fois (seuls les titulaires prennent part à la délibération, le président du CE n’y participe pas) :

  • sur le principe du recours à l’expert-comptable (vote à la majorité des titulaires présents)
  • sur le choix de l’expert-comptable (vote à la majorité des voix)
  • sur l’étendue de la mission conférée à l’expertcomptable du CE (vote à la majorité des titulaires présents) L’idéal est d’avoir réussi à se mettre d’accord avant la réunion au cours de laquelle a lieu la désignation afin de se faire aider par l’expert dans la rédaction de sa lettre de mission en fonction des orientations que le CE souhaite donner à ses investigations.

La mission de l’expert

Le pouvoir d’investigation de l’expert est considérable. « La mission de l’expert-comptable porte sur tous les éléments d’ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l’appréciation de la situation de l’entreprise » (L 2325-36) Pour opérer toute vérification ou tout contrôle entrant dans l’exercice de ses missions, l’expert-comptable a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes. (L 2325-37) La Cour de cassation donne la plus grande efficacité à ces dispositions.

L’expert-comptable désigné par le CE peut, dans le cadre d’une mission nécessaire à la compréhension des comptes et à l’appréciation de la situation de l’entreprise, se faire communiquer tous les documents qu’il estime utiles. Cass. soc. 15 décembre 2009 n° 08-18228 (P) Dans cette affaire, l’expert avait demandé : l’extraction de la base du personnel nominative (ou non) sur un fichier Excel, qui regroupe les champs suivants, au 31 décembre de chaque année (2005 et 2006) : – numéro de matricule (identique sur les 2 années), type de contrat de travail (CDI, CDD, autres), – (…) sexe (homme, femme), date de naissance, – (…) total de la rémunération brute annuelle, – détail de l’ensemble des rubriques constituant cette rémunération brute annuelle.

L’expert a accès à des informations qui restent hors de portée des élus. Il est en mesure d’éclairer le CE sur la situation économique, de décrypter la stratégie mise en œuvre et donc de permettre aux élus de mieux appréhender la situation ainsi que ses évolutions probables à court/moyen terme.

L’éclairage apporté par l’expert sera, de surcroît, très utile aux délégués syndicaux dans le cadre de la négociation annuelle des salaires. Le refus par l’employeur de laisser pénétrer l’expert dans l’entreprise, le refus d’assistance aux réunions du CE, le refus de communiquer des documents, constituent des délits d’entrave au fonctionnement régulier du CE tout comme le refus de rémunérer l’expert-comptable sans raison valable.

Le CE pourrait donc être amené à saisir le juge soit au civil pour contraindre l’employeur à fournir, sous astreinte, les documents demandés par l’expert, obtenir des dommages et intérêts pour non fourniture ou fourniture tardive des informations, ou au pénal pour obtenir la condamnation de l’employeur pour délit d’entrave.

Plan du site