Les activités sociales et culturelles du CE et la famille

Publié le : 07 juillet 20209 mins de lecture

Deux articles du code du travail définissent les bénéficiaires des activités sociales et culturelles du CE. L’article L 2323-83 et l’article R 2323-20.

Article L 2323-83 du code du travail « Le comité d’entreprise assure, contrôle ou participe à la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l’entreprise prioritairement au bénéfice des salariés, de leur famille et des stagiaires… »

En ce qui concerne les stagiaires, le code de l’éducation précise que « Les stagiaires accèdent aux activités sociales et culturelles mentionnées à l’article L. 2323-83 du code du travail dans les mêmes conditions que les salariés ». Article L. 612-12 du Code de l’éducation.

Article R 2323-20 du code du travail « Les activités sociales et culturelles établies dans l’entreprise au bénéfice des salariés ou anciens salariés de l’entreprise et de leur famille comprennent… » Ces deux articles emploient le terme «famille» dont les contours sont difficiles à tracer notamment en raison d’un phénomène en recrudescence : les familles recomposées. La question de l’assimilation du mariage au PACS se pose également dans de nouveaux termes depuis la publication de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

Familles recomposées, les enfants ayant droits

La HALDE, Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité, (aujourd’hui le défenseur des droits) est intervenue dans le débat suite à sa saisine par un salarié. Les faits sont les suivants : un salarié demande à son CE le bénéfice d’une aide au séjour permettant de financer une sortie scolaire pour la fille de sa concubine, fille dont il a la charge. Le CE refuse en se fondant sur sa charte qui réserve des avantages aux seuls enfants « directs » des salariés, c’est-à-dire ceux inscrits dans le livret de famille du salarié. La HALDE considère que le fait de ne prendre en compte, parmi les enfants dont les salariés ont la charge, que ceux avec lesquels un lien de filiation a été établi, pour leur reconnaître un droit à améliorer leurs conditions de bien-être peut paraître arbitraire. Interrogé par la haute autorité sur les raisons de cette différence de traitement, le CE n’apporte aucun élément objectif étranger à toute discrimination. La HALDE considère que les règles et pratiques du CE caractérisent une discrimination à raison de la situation de famille au sens de l’article L.1132-1 du code du travail.

Elle a donc recommandé au CE de mettre un terme à sa pratique discriminatoire. (Délibération n° 2009-131 du 16 mars 2009) C’est donc la notion d’enfant à charge qui est déterminante pour le bénéfice de tel ou tel avantage prévu par le CE. Cette notion est issue des dispositions du code de la sécurité sociale. Elle permet de déterminer le bénéficiaire de certaines prestations sociales pour un enfant et notamment les prestations familiales. Elle correspond au fait d’assumer les frais d’entretien et la responsabilité éducative et affective de l’enfant. La prise en charge de l’enfant consiste alors à en assumer le logement, la nourriture, l’habillement et l’éducation mais aussi à développer des liens affectifs avec lui. Pour un tiers, cette prise en charge se caractérise par une participation personnelle aux frais d’entretien en accueillant l’enfant à son foyer (Cass. Soc. 27 novembre 1974 n° 73-12758). Cela peut donc être le cas du beau-parent qui accueille l’enfant de sa concubine.

Comment prouver que l’enfant est bien à charge ?

Il revient logiquement au salarié dans cette situation d’apporter les éléments probants. Le livret de famille n’est d’aucun secours dans ce cas. En effet, ne figurent sur ce document que les enfants dont on est le parent. L’enfant du concubin n’y est donc pas mentionné. Le salarié pourra éventuellement produire son avis d’imposition, tenter d’obtenir une attestation de la CAF dans l’hypothèse où il perçoit des allocations familiales et à défaut, si le CE veut s’en contenter une attestation sur l’honneur. Rappelons que le CE ne peut imposer aux salariés de fournir leur avis d’imposition. Une telle exigence est jugée illégale car constitutive d’une atteinte à la vie privée en raison des informations qui y figurent, notamment des renseignements sur la situation familiale et patrimoniale des intéressés. Cass. civ. 1ère 18 janvier 1989, n° 87-14026. La déclaration de revenus contient, par nature, des renseignements (…) tels que situation de famille légitime ou illégitime, situation de fortune, existence de dettes, qui n’étaient pas tous indispensables au CE. Cass. civ 1ère 29 mai 1984 n° 82-12232 (P).

Il ne s’agit donc pas, pour le CE, d’imposer la production de telle ou telle pièce justificative, mais de demander aux salariés concernés d’apporter les éléments probants leur permettant d’avoir accès à tel ou tel avantage fourni par le CE. En revanche, le CE peut donner une liste, pas forcément exhaustive, des pièces ou documents qui peuvent être produits par le salarié.

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Mariage et Pacs

Le CE doit-il traiter de la même manière le salarié marié et le salarié pacsés. Si des bons d’achats peuvent être attribués aussi bien à l’occasion du mariage que de la conclusion du Pacs, le CE peut-il, par exemple n’en offrir que pour le mariage du salarié ? S’expose-t-il alors à des poursuites judiciaires pour discrimination à l’endroit des pacsés ? Dans sa délibération n° 2007- 366 du 11 février 2008, la HALDE retenait que : « Les dispositions de la convention collective qui réservent le bénéfice de congés pour événements familiaux aux seuls salariés mariés et qui instituent une prime liée au mariage doivent être considérées comme constituant une discrimination en raison de la situation de famille des salariés, méconnaissant l’article L.122-45 du code du travail ». Dans une décision du 23 mai 2012, la cour de cassation décidait de saisir la CJUE (Cour de Justice de l’Union Européenne) de la difficulté à propos d’une disposition conventionnelle réservant les jours de congés pour le mariage à l’exclusion du Pacs. Cass. soc. 23 mai 2012 n° 10-18341 (P).

Pour la CJUE, « L’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition d’une convention collective, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle un travailleur salarié qui conclut un pacte civil de solidarité avec une personne de même sexe est exclu du droit d’obtenir des avantages, tels que des jours de congés spéciaux et une prime salariale, octroyés aux travailleurs salariés à l’occasion de leur mariage, lorsque la réglementation nationale de l’État membre concerné ne permet pas aux personnes de même sexe de se marier, dans la mesure où, compte tenu de l’objet et des conditions d’octroi de ces avantages, il se trouve dans une situation comparable à celle d’un travailleur qui se marie ». CJUE affaire C-267/12 du 12 décembre 2013.

Avec la publication de la loi du 17 mai 2013 ouvrant la possibilité aux personnes de même sexe de se marier, il n’est donc plus discriminatoire de traiter différemment salariés mariés et salariés pacsés. En conséquence, un CE peut parfaitement réserver l’attribution de bons d’achats aux salariés se mariant sans être tenu de faire bénéficier les salariés se pacsant du même avantage.

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